Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers municipaux,
Chers collègues,
(...)
Lors des élections en 2007, ce n’était un secret pour personne que j’étais avant tout candidat au Conseil administratif. En effet, les Verts estiment qu’après trois législatures, il est temps de laisser à d’autres citoyens l’opportunité d’exercer une responsabilité au sein du Conseil municipal. Ils sont aussi d’avis qu’il y a mille autres possibilités d’engagement citoyen au sein de notre collectivité et qu’une façon d’honorer et de valoriser cette diversité de l’engagement et de la participation à la vie communale, consiste à ne pas s’éterniser au-delà de 12 ans dans un parlement communal. Riche de l’expérience accumulée au fil des années, je partage complètement cet avis. La démocratie, même au niveau communal, est toujours fragilisée. Pour la préserver, pour l’améliorer, pour lui permettre d’organiser efficacement notre vie en société et de gérer nos conflits d’intérêts pacifiquement, deux conditions sont nécessaires : il faut d’une part que les valeurs qui sont le fondement même de la démocratie et les règles d’organisation et de fonctionnement démocratiquement établies soient scrupuleusement respectées et d’autre part que le souverain exerce effectivement son pouvoir, en d’autres mots que les habitants de Meyrin s’impliquent dans les affaires de la cité. L’indifférence et le repli menacent tout autant la démocratie que le non-respect des règles démocratiques.
J’ai donc toujours cherché et chercherai encore à transmettre ce plaisir de l’engagement, cette envie de politique. J’ai toujours cherché et chercherai encore à démontrer que la politique n’est pas obligatoirement une maladie honteuse, mais peut et doit être une activité honnête et utile, qui doit pouvoir être partagé et exercé par le plus grand nombre. Pour être cohérent avec cet idéal, il était temps que je m’en aille et laisse ma place à un ou une autre.
Si j’ai joué une petite prolongation, c’est par respect pour les électrices et les électeurs qui m’ont élu. Ces derniers comprendront, je l’espère, qu’après 13 ans, on puisse désirer servir la collectivité différemment. Je quitte donc le Conseil municipal, mais reste engagé dans la cité, reste donc à vos côtés pour vous encourager, vous féliciter, vous accompagner solidairement ou aussi vous interpeller, vous solliciter ou vous critiquer. En d’autres mots, en ma qualité de citoyen, je continuerai d’exercer mon devoir de citoyen face à ses élus.
Permettez-moi avant de quitter cet hémicycle de vous faire part de mon émotion que l’on ressent lorsqu’une page se tourne. Permettez-moi aussi de vous exprimer ma reconnaissance pour tout ce que vous m’avez apporté. Adversaires politiques de l’Entente, vous m’avez forcé à mieux argumenter, à revisiter et questionner mes convictions, à chercher des compromis acceptables pour le plus grand nombre et qui permettent tout de même d’avancer. Pour tout cela et les quelques batailles loyales que nous nous sommes livrées, je vous dis merci. Amis politiques de l’Alternative, pour les nombreux échanges, les combats communs que nous avons mené et que nous mènerons, je l’espère, encore, je vous dis merci.
Je remercie particulièrement mon groupe qui a été pendant treize ans, pas seulement un collectif politique uni et efficace, mais aussi une joyeuse bande d’amis, ce qui est un formidable facteur de motivation et de remobilisation dans les moments de découragement.
Je remercie aussi tous les membres de l’administration pour leur disponibilité, leur serviabilité, leur efficacité et leur gentillesse. Ils ne correspondent en rien à la représentation négative que certains se font des fonctionnaires. Ils ont tous choisi de travailler dans une administration publique pour être au service du public. C’est comme cela du moins que je les ai perçus durant toutes ces années. Je les remercie aussi pour les nombreux moments de réflexion et d’échanges qu’il m’a été donné de partager avec eux.
Rester treize ans au Conseil municipal permet aussi de mesurer les progrès réalisés dans des dossiers fondamentaux et donc d’être résolument optimiste pour l’avenir.
Il y a treize ans, le droit de vote des étrangers paraissait une utopie. Notre Conseil municipal a bataillé, a pris position et s’est engagé. Et même si les électeurs meyrinois l’ont refusé, nous avons fait avancé cette cause démocratique.
La démocratie participative était, il y a treize ans, un concept théorique abstrait. Aujourd’hui, elle en est certes encore à ces balbutiements, mais l’adoption d’une méthode et d’un processus dans l’élaboration d’un Agenda 21 est un pas important qui traduit déjà un changement dans les mœurs politiques.
Enfin, il y a treize ans, il était difficile de croire qu’un tram relierait Meyrin à la ville de Genève de notre vivant. Aujourd’hui, il est sur les rails. La modération du trafic, la mobilité douce, les économies d’énergie et les énergies renouvelables, les écoquartiers, ne sont plus des rêveries d’écolos, mais peuvent devenir un programme consensuel pour que Meyrin entre de plein pied dans le XXI ème siècle.
Notre commune assure mieux qu’il y a treize ans son devoir de solidarité, elle cherche à intégrer plutôt qu’ à exclure, elle n’ abandonne pas ceux que les aléas de la vie ont mis en difficulté et cherche à leur permettre de vivre dignement et non comme des assistés. Notre devoir de solidarité planétaire à été rétabli à 0,7% de notre budget de fonctionnement. Personne n’oserait aujourd’hui le remettre en question.
En treize ans, j’ai énormément appris et, en dépit de quelques frustrations, ne regrette nullement le temps investi. Ne vous inquiétez pas, je vous épargnerai la liste de mes nombreuses apprentissages, je n’évoquerai qu’une chose essentielle à l’exercice de notre fonction : la patience. La patience est une vertu certes, mais ne justifie pas l’inaction. Aujourd’hui, nous devons répondre à des urgences planétaires. Trop de patience nuirait gravement à la santé de nos concitoyens et des générations futures. La faculté d’indignation, la ténacité et la persévérance sont indispensables. Les défis sont énormes, notre responsabilité aussi. Il faut beaucoup d’énergies et de dévouement pour relever ces défis, assumer notre responsabilité. Certains, de par leur comportement ont quelque peu sali, notre réputation de conseiller municipal. Ils ont également terni l’image de Meyrin. De part mon engagement professionnel, j’arpente beaucoup le canton et ai pu constater à quel point Meyrin avait acquis une réputation clochemerlesque dans le canton et cela m’attriste. Je continuerai à l’avenir à souligner le dévouement sincère et l’engagement honnête de la plupart d’entre vous au-delà de nos différences et divergences politiques. Je vous remercie de persévérer, vous remercie entant que citoyen de votre engagement pour la commune et vous souhaite de retirer de cet engagement la même satisfaction que j’ai éprouvée.
Ce soir, un immigré suisse-alémanique de 57 ans vous tire sa révérence. Cet immigré avait le privilège, par rapport à la plupart des autres immigrés à Meyrin, de jouir du droit d’éligibilité. Un jeune gamin, bien de Meyrin lui, va lui succéder. Ce gamin n’est pas inconnu de vos services. C’est un activiste, un militant. Je le connais depuis 15 ans et l’admire un peu comme un père admire son fils. Il a créé Impact Prod, il est actif au sein du comité de l’Undertown, il a participé à différentes actions originales dans notre commune, dont l’organisation d’un festival reggae à la piscine de Bois Carré. Il a un point commun avec une autre conseillère municipale verte, c’est celui de figurer dans le célèbre livre de Klopmann et Faure : Meyrin-citoyens du monde, qui, depuis treize ans déjà, est un peu la carte visite de notre commune et que j’ai eu l’honneur, conseiller municipal fraîchement élu, d’offrir dans une Bosnie-Herzégovine déchirée avec un message simple : Habitants d’origines, de cultures, de religions et d’horizons divers, nous pouvons grandir et vivre ensemble en paix.
Je serai heureux et fier d’assister le 9 septembre prochain à l’assermentation de mon successeur : Surane Ragavan.
Enfin, je ne vous cacherai pas que, quittant une activité prenante, il me fallait en trouver une autre. J’ai proposé à mon parti d’être candidat à la constituante. Si jamais je suis élu, j’aurai à nouveau de bonnes raisons de vous côtoyer, d’analyser avec vous comment défendre les valeurs fondamentales qui nous unissent et nous permettent d’interagir ensemble, comment organiser à l’avenir l’exercice et le partage du pouvoir sur notre territoire, comment renforcer la démocratie, comment tenir compte des intérêts de chacun et prendre des décisions dans l’intérêt général, comment raviver un fonctionnement démocratique, comment ancrer dans une nouvelle constitution des devoirs qui résultent de nos obligations et de notre responsabilité à l’égard des générations futures. L’élaboration de la future constitution ne se fera pas dans l’affrontement stérile de positions figées et arrêtés. Elle ne sera pas non plus l’affaire exclusive des 80 élus du 19 octobre. L’élaboration d’une nouvelle constitution est une entreprise collective qui concerne et devra impliquer l’ensemble des habitants. C’est une aventure exigeante et exaltante que je souhaiterais pouvoir partager notamment avec toutes celles et tous ceux avec qui j’ai eu, au cours de ces années écoulées, tant de plaisir à dialoguer et à débattre.
Merci de m’avoir écouté, c’était sans doute un peu long. En treize ans, j’ai beaucoup appris, disais-je, mais il y a des choses que je n’apprendrai sans doute jamais.
Pierre-Alain Tschudi, 17 juin 2008